On dit souvent qu'exercer une activité freelance permet de bosser de partout. Mais dans les faits, comment ça se passe un déménagement pour un.e indépendant.e ? Est-ce qu'on peut réellement tout quitter et assurer une continuité de ses activités ?

On a posé la question à Marie, consultante marketing et fondatrice du compte Instagram @marie_inspirations (que vous connaissez peut-être sous son ancien pseudo @lilleisbeautiful)

Arrivée à Lille à l'été 2016 après 3 ans et demi d'expatriation aux États-Unis, Marie a connu deux déménagements en l'espace d'un an, de Lille à la campagne de l'Allier puis à Dijon.

Avant son départ, Marie était bien ancrée dans la vie lilloise avec une triple casquette :

🧢 Créatrice de contenu en local avec son compte Instagram

🧢 Intervenante en com/marketing dans des écoles lilloises

🧢 Consultante marketing pour ses clients de la métropole

Sans filtre et avec beaucoup de bienveillance, Marie nous raconte son histoire, ses doutes, ses fiertés et revient sur son parcours en quête d'une nouvelle stabilité pour elle ainsi que sa famille... Bonne lecture !


Bonjour Marie ! 👋

Peux-tu nous parler des raisons de ce déménagement ?

Cette décision a été prise suite à de nombreux facteurs. Les plus importants étant la mutation de mon conjoint dans l'Allier et un contexte post covid compliqué qui a accéléré notre envie de changement. En gros, on a eu une opportunité et on l'a saisie !

Comment as-tu géré ce déménagement avec tes clients ?

Ce n'était pas mon premier déménagement puisque j'avais déjà dû repartir de zéro lors de mon arrivée sur Lille. Cette fois, j'avais le recul d'une première expérience et une "méthodo" ! 😅

Concernant ma casquette d'intervenante en école, j'ai continué les cours à distance. À ce moment là, on était en pleine crise du covid et les établissements n'avaient de toute façon pas prévu de faire une rentrée en présentiel. Que je sois à Lille ou pas ne changeait donc rien.

Avec mes clients, j'ai été 100% transparente. Ils ont tous été prévenus avant même l'annonce publique sur mon compte Insta. J'ai également prévenu mes différents prospects. Je savais que certains d'entre eux voulaient bosser en partie avec moi car ils allaient bénéficier d'une promotion locale de leur activité sur mon compte Lille is Beautiful.

Par contre, pour mon activité de création de contenu, ça a été un véritable crève coeur. Ma ligne éditoriale portait essentiellement sur la vie lilloise. Impossible pour moi de continuer à distance.

À l'annonce de mon départ, il y a eu quelques mauvaises surprises, notamment des personnes qui ne m'ont plus jamais donné signe de vie. Ça démontre encore une fois que le monde de l'influence peut être parfois sans pitié. Mais dans l'ensemble (et heureusement !) les gens m'ont suivi et sont restés fidèles.

On sait qu'un changement de vie comme celui là est très chronophage (emménagement, enfants, démarches administratives...) Ça n'a pas trop empiété sur ta vie pro ?

Si ! Quand je suis arrivée à Lille, il s'était passé 6 mois entre mon arrivée et la création de mon activité. Là, c'était différent car je ne pouvais pas prendre ce temps. Il fallait que j'assure une continuité d'activité et ne surtout rien lâcher ! 💪

Surtout pour mon compte Insta : le laisser à l'abandon aurait eu pour conséquence de gâcher tout le travail accompli. Il fallait aussi que j'assure une présence auprès des clients et surtout me faire connaitre dans l'Allier. C'est un cadre de vie très différent de Lille, très rural, ça n'a pas été simple.

En parallèle, il fallait en effet assurer l'intégration personnelle et le fait que mon fils se sente bien, que tout le monde soit content.

Quels changement as-tu opérer pour ton compte @Lille is Beautiful ?

J'ai annoncé la nouvelle sur mon compte un peu avant mon départ. Avec le recul, je pense d'ailleurs l'avoir fait un peu tôt. J'ai déménagé fin juillet et dès juin j'annonçais que je partais. C'était pour avoir le temps de dire au revoir aux gens.

Ma première décision a été de changer le nom du compte et de le basculer en mon nom propre. @Lille is Beautiful sans parler de Lille, c'était un peu un non sens 😅.

Ensuite, j'ai annoncé mon virage éditorial à ma communauté en expliquant que je resterai la même, tout comme mes centres d'intérêt mais à travers le prisme d'une autre région de France. En vrai, à l'époque, je ne savais pas ce que j'allais trouver sur place. C'était très dur de me projeter.

Durant les six mois qui ont suivi l'annonce, j'ai perdu environ 1000 abonnés. C'était logique, je comprenais mais ce n'était pas facile à vivre. J'ai un attachement tout particulier pour ce compte et ma communauté. Mais globalement, je ne retiens que du positif et encore une fois, pour la majorité, les gens sont restés fidèles.

Pour le moral, ce déménagement n'a pas été trop difficile ?

Ce n'était pas évident, surtout les premiers mois.

En plus, je n'avais pas fait un bon trimestre d'un point de vue CA, j'étais découragée. Je croyais que les clients lillois ne renouvelaient pas avec moi car j'étais partie alors qu'en fait c'était parce qu'ils avaient des difficultés liées à la crise sanitaire. Mais à l'époque, je l'avais pris personnellement. Je me montais le bourrichon toute seule !

Je me suis beaucoup remise en question. J'ai repris du poil de la bête au moment de quitter l'Allier. Mon conjoint a saisi une opportunité à Dijon.

Est-ce que tu as envisagé de reprendre un emploi salarié à ton arrivée à Dijon ?

Oui j'ai même fait un bilan de compétences ! En fait j'ai enclenché ça quand on a pris le décision de venir s'installer à Dijon. Je voyais la ville comme un petit Lille, assez dynamique. Un nouveau départ sur plein de choses. Je me suis dit que j'allais en profiter pour écrire une nouvelle page !

Est-ce que tu en as profité pour changer ta façon de travailler ?

J'ai terminé mon bilan de compétences après la rentrée. Je me suis fait un rythme plus slow, j'ai refusé des contrats pour pouvoir me réinstaller à Dijon correctement. Dans l'Allier, je n'avais pas pris ce temps et ça m'avait pas mal crevée.

Cette fois, j'ai accepté de dire STOP 🛑

J'ai d'abord décidé d'arrêter l'enseignement. Ce que j'aime dans ce métier, c'est le contact. Là, tout se faisait en visio et je ne me voyais pas faire une seconde année à distance sans rencontrer les étudiants.

Ensuite, je voulais reprendre la main sur mon rythme et revoir mes process. Je voulais me recharger et prendre du recul sur la situation. J'avais personnalisé beaucoup de choses et j'avais besoin de reprendre de la hauteur.

J'ai réfléchi à rationaliser mes prestations. On dit souvent que les freelances sont condamnés à devenir des "experts", à se spécialiser... et c'est vrai. C'est plus simple à gérer, ce n'est pas juste pour le marché. Avant je redoutais juste la lassitude mais finalement tu gagnes en efficacité sur certaines missions, ton cerveau gère mieux.

Comment as-tu réussi à te créer un nouveau réseau sur place ? Est-ce que tu as des conseils à donner à d'autres freelances dans la même situation ?

D'abord, j'ai choisi un cabinet dijonnais pour mon bilan de compétences. L'idée en faisant ça, c'était d'avoir un premier contact professionnel sur place avant même mon arrivée. Cette personne m'a aidée, notamment dans les entretiens métiers. Elle m'a introduite auprès de responsables marketing du territoire. Et ces gens m'ont finalement donné du travail.

Je pense que la clé c'est vraiment d'aller au contact. Évidemment, ça dépend de la personnalité de chacun mais aller à la rencontre des autres ça aide beaucoup. Moi, je me suis rendue dans les commerces, j'ai multiplié les échanges avec le tissu local, l'école si tu as un enfant, tes voisins, ton entourage immédiat... T'inscrire à une asso ou à une activité sportive si tu aimes ça. Dire ce que tu fais à tout le monde. Ça parait basique mais il ne faut pas sous-estimer la force du bouche à oreille !

Je suis aussi entrée en contact avec l'APEC (l'Association pour l'Emploi des Cadres) qui est toujours de bons conseils, même quand on n'est pas pas demandeur d'emploi.

Aussi, j'avais une cliente avec laquelle j'avais travaillé à distance lorsque j'étais dans l'Allier et qui était dijonnaise. Reprendre contact avec elle pour se rencontrer "en vrai" c'est une façon assez agréable d'activer son réseau. C'est comme ça petit à petit qu'on devient "le pote d'un pote" qu'on a recommandé.

Enfin des abonnés m'ont aussi mis en relation avec des gens sur place !

Est-ce que tu as facilement retrouvé de nouveaux clients ? Comment tu as fait ?

De ce côté ça a été parce que j'ai fait valoir ce que j'avais fait avant. J'avais zéro réseau mais pas zéro expérience et je continuais d'être freelance, d'être active.

J'ai pu un peu échanger avec des freelances sur place, j'ai notamment une voisine qui fait de la rédac et du content. C'est toujours précieux de discuter avec des pairs. J'échange aussi avec une agence qui me fait travailler pour des opés bourguignonnes sur de la création de contenu et de l'influence.

Un petit conseil que je peux vous partager vient d'un constat : il est parfois plus facile d'échanger avec des personnes récemment arrivées qui partagent la même volonté de s'intégrer et de se créer un nouveau réseau. Aujourd'hui par exemple je bosse avec certaines de ces personnes ou alors elles m'ont mise en contact avec d'autres. Cela aide beaucoup de pouvoir rencontrer des gens plus accessibles que certains professionnels installés depuis des années et moins enclins à échanger. Avec eux il peut y avoir une certaine défiance et c'est normal.

Est-ce que tu as l'impression de "manquer" des choses qui se passent à Lille ou tu as définitivement tourné la page ?

C'est pas facile tous les jours !  Le plus dur c'était d'avoir le sentiment de ne plus avoir le lien avec les gens et de se dire que si tu n'es plus là, tu vas forcément louper des choses, des opportunités...

Maintenant ça va mieux, je sais que les gens qui me connaissent de Lille peuvent travailler avec moi, même si je suis loin. J'étais dans la nostalgie, le départ de Lille a été très dur. Il faut que j'arrête de me focaliser sur ces doutes et échecs et que je concentre au contraire sur le positif et sur tous ceux qui m'ont fait confiance... et comprendre que demain, ils me referont confiance !


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