L’art de passer à côté, ou l’éloge de laisser filer les opportunités

On m’a souvent dit qu’une opportunité, ça ne se rate pas et qu’il faut dire oui et sauter sur l’occasion. Qu’une offre ne se présente pas deux fois.
Alors j’ai dit oui.
Plein de fois.
Oui à des missions que je n’avais pas envie de faire.
Oui à des clients qui ne m’inspiraient pas.
Oui à des gens qui, au fond, me faisaient un peu flipper.
Parce qu’on nous apprend à ne pas rater.
Et puis un jour, j’ai dit non.
Pas par flemme, pas par peur mais plutôt par lucidité.
Mais une lucidité qui ne m’est pas tombée dessus du jour au lendemain.
Une lucidité forgée à force de dire oui trop vite, trop souvent, trop fort. Celle qu’on n’écoute que quand on est un peu fatigué·e, un peu écoeuré·e, un peu plus libre aussi.
Et tu sais quoi ? Il ne s’est rien passé.
Je ne me suis pas effondrée. Je n’ai pas été punie par l’univers. Ma carrière n’a pas explosé dans la nuit. J’ai juste continué.

Ce projet qui te donne mal au ventre
En freelance, y a des opportunités qu’on rate “par erreur” — un mail qu’on loupe, un appel qu’on oublie, un créneau qu’on n’a pas vu passer.
Et il y a celles qu’on laisse filer, volontairement. Celles qu’on ne veut pas vraiment, mais qu’on se force à considérer, “parce que ce serait dommage de ne pas tenter”.
Mais tenter quoi, en fait ?
Se tordre pour entrer dans une case pas faite pour nous ?
Se plier en quatre pour un projet qui ne nous fait même pas vibrer ?
Réorganiser toute sa semaine pour un appel qui sent la galère à plein nez ?
Il y a un truc qu’on oublie souvent : ce n’est pas parce qu’une opportunité est “intéressante” qu’elle est bonne pour toi.

Le droit de refuser, ça s’apprend
Bon, ça, c’est la version courte. La version rationnelle.
Mais si je suis honnête, refuser une opportunité ce n’est pas juste un choix. C’est une lutte intérieure.
Je viens d’un milieu où on ne refuse pas le travail. On prend ce qu’il y a.
Pas par goût du sacrifice, mais parce qu’on n’a pas appris qu’on avait le droit de choisir. Parce que l’argent, ça ne se questionne pas, ça se prend quand il est là. Parce que le luxe, c’est la stabilité, pas la sélection. Parce que dire non, c’est se justifier. Assumer. Ne pas se plaindre après.
Alors quand je laisse passer un projet aujourd’hui, même consciemment, même sereinement… il reste une petite voix. Celle qui me demande si je suis bien sûre et si j’ai le droit. Si je ne vais pas le regretter.
Refuser du travail quand on vient d’un milieu modeste, c’est pas anodin.
C’est presque politique.
C’est dire : je mérite aussi de choisir, pas juste de prendre ce qu’on me donne.
Et ça, il faut du temps pour l’apprendre.

Le calme après le non
Aujourd’hui, j’ai raté pas mal de choses :
– des missions bien payées,
– des projets “visibles”,
– des chances de bosser “avec des gros noms”
... et pas mal de thune.
Et dans le lot :
– j’ai évité des allers-retours stériles,
– des process lourds comme un mois de novembre,
– et quelques personnes à l’ego gonflé au vent LinkedIn.
J’ai gagné du calme, du temps, de la place.
Parfois j’ai regretté, un peu. Mais pas longtemps.
On croit qu’on est en train de rater sa vie parce qu’on n’a pas saisi une “chance”.
Mais la vérité, c’est que ce n’était peut-être pas ta chance.
Juste une case de plus dans la grille de quelqu’un d’autre.
Les vraies bonnes occasions ne t’obligent pas à te forcer.
Elles ne te demandent pas de trahir ton rythme, ton corps et ton bon sens.
Et si une opportunité passe sans toi, ce n’est pas une preuve d’échec.
C’est peut-être juste une preuve que tu sais ce que tu veux. Ou ce que tu ne veux plus... Et c’est déjà pas mal. 😘

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